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Préjugés et idées reçues

  • Eric PIERRE
  • 16 juin 2022
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 26 juin 2022


Les idées reçues ont cette fâcheuse tendance à considérer tout ce qui vient les contredire comme des exceptions. De ces exceptions qui confirment la règle.



Il n’y a pas de chasse gardée. Du plus instruit jusqu'au plus ignorant, nul n’est à l’abri. Les peurs, les rumeurs, les approximations, les amalgames, les émotions et les idées reçues pourront submerger n’importe quelle pensée. « Se débarrasser des préjugés est l’une des choses les plus difficiles qui soit » affirmait Marguerite Yourcenar.[1]


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Les préjugés sont tenaces. Comme des locataires indélicats, difficile de les déloger. Surtout lorsqu’ils sont transmis de génération en génération. Surtout lorsqu’ils habitent là depuis toujours. Depuis l’enfance.



Les occasions manquées


Au palmarès des préjugés, quel plus grand aveuglement dans l’histoire de l’humanité que le dénigrement des femmes ? Finalement, il aura fallu plus de temps aux hommes pour mesurer les aptitudes du sexe opposé que pour calculer la vitesse de la lumière. Marie Curie aura percé le cœur de la matière avant que les hommes ne percent celui des femmes. Pourtant, au contact de nos mères, de nos sœurs ou de nos épouses combien d'occasions manquées d'ouvrir les yeux ? Combien de femmes, croisées ou côtoyées, que nous n'avons pas su entendre ou regarder ?



Les mauvais bougres


Depuis l’antiquité, de la reine de Sabah jusqu’à la reine Margot, en passant par Cléopâtre, Aliénor d’Aquitaine, Blanche de Castille, Jeanne d’Arc, ou Anne d’Autriche, on aura vu des femmes accéder aux plus hautes fonctions et gouverner des nations. C’est toute la force des préjugés. Nous ne sommes pas de mauvais bougres. Nous sommes souvent prêts à reconnaître l’existence de cas particuliers. En revanche, nous sommes beaucoup moins disposés à en tirer des conclusions générales. On pourra, ainsi, reconnaître la valeur de certaines femmes sans jamais rien en déduire à propos de toutes les autres.


« Lui, il est bien » ou « Elle, elle est bien ». Qui n’a jamais entendu – ou utilisé lui-même – cette sentence par laquelle nous sauvons un individu et nous condamnons tous les autres ? Cette formule assassine par laquelle nous accordons notre absolution au petit arabe du coin, si gentil et si travailleur, qui tient l’épicerie en bas de chez nous ? A ce voisin maghrébin discret et si bien élevé qu’on croise parfois dans l’ascenseur ? A cette marocaine, tellement dévouée, qui repasse si bien nos chemises et qui nous régale, parfois, de quelques douceurs orientales ? Ou encore, à cette jeune réalisatrice algérienne qui remporte un César ?


Au-delà des femmes et des populations d’Afrique du Nord, on pourrait bien sûr multiplier ces exemples avec n’importe quelle autre population, ou communauté, victime de rejet ou de dénigrement.

Les idées reçues ont cette fâcheuse tendance à considérer tout ce qui vient les contredire comme des exceptions. De ces exceptions qui confirment la règle.


A force de répétitions, on pourrait s’attendre à ce que la multiplication des contre-exemples ne finisse par provoquer un renversement d’opinions. Mais en réalité, inébranlables, aussi droits que des phares au milieu de la tempête, nous pourrons passer toute une vie sous la bourrasque des démentis et des exemples contraires sans jamais étouffer la flamme de nos préjugés.


Pendant la campagne présidentielle de 2022, on a pu sourire de ce lapsus du candidat Eric Zemmour : « Je ne vois que ce que je crois ». Mais ne nous moquons pas trop vite. Lequel d'entre-nous est à l’abri de cette forme de cécité ?




____________________ [1] Entendu dans l’émission « La compagnie des œuvres » animée par Matthieu Garrigou-Lagrange et diffusée sur France Culture le 25/06/20.

 
 
 

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