La Nature raffole des catastrophes
- Eric PIERRE
- 17 juin 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 juil. 2022
L'Homme n'est probablement qu'une catastrophe naturelle de plus. Une catastrophe naturelle parmi d'autres.
L’humanité se comporte parfois comme un nuisible, comme une catastrophe, y compris et d’abord pour elle-même. Mais – c’est effrayant – la nature raffole des catastrophes, et c’est sous la cendre des volcans que naissent les terres les plus fertiles.[1]

Sans danger, sans ennemi, les espèces se figent. Seuls les êtres imparfaits et vulnérables évoluent. Seuls le déséquilibre et la menace créent le mouvement. Voilà pourquoi, nous dit-on, le requin serait resté le même depuis plus de 180 millions d’années. Par manque de fragilité.
« La vie est devenue l'ennemie de la vie » déclarait le dalaï-lama à propos des nuisances de l'humanité.[2] Et pourtant, quoi de neuf ? La vie n'a-t-elle pas toujours été l'ennemie de la vie, et la nature l’ennemie de la nature ? Qu'est-ce que l'univers sinon ce grand jeu de chamboule-tout où l'ordre des choses passe son temps à renverser la table et à redistribuer les cartes ?
Paradoxalement, dans l'univers connu, qui d’autre que la conscience humaine pour se préoccuper du sort de la nature ? Par l'impact d'un seul météore, l’ordre des choses est capable de raser des millions ou des milliards d'années d'évolution. Sans remords. Sans regret. Sans nostalgie. Sans état d'âme. Sans trembler et sans l'ombre d'une mauvaise conscience. Comme ça. En une fraction de seconde. Comme on écrase une mouche. Sans y penser. Comme si rien n'avait d'importance. Dans la plus profonde et la plus complète indifférence. Pour le moins, voilà en tout cas l'impression qu'il nous laisse.
C’est à une collision cataclysmique il y a 4,56 milliards d’années que nous devons la présence d’eau et donc de vie sur terre. Ce jour où une planète qui faisait la moitié de sa taille vint percuter notre astre à une vitesse de 54.000 km/h. [3] C’est à l’impact d’une météorite de 10 km de diamètre que nous devons la disparition des dinosaures puis l’apparition de l’humanité et de la conscience soixante-cinq millions d’années plus tard. Et nous recevons, paraît-il, la visite d’une météorite comme celle-ci environ tous les 100 millions d’années.[4]
Déclencherions-nous tout notre arsenal nucléaire que la nature y trouverait probablement encore son compte. Elle serait bien capable de transformer ce déluge de feu en opportunité. Pas tout de suite. Pas maintenant. Mais patiemment. D’ici à quelques millions ou à quelques milliards d’années. L’humanité n’aurait alors été qu’une parenthèse. Une expérience manquée. Une de plus parmi une infinité d’autres. Quoi qu’il arrive, que nous décidions ou non d’utiliser nos bombes, que nous résolvions ou non nos problèmes climatiques, le temps de notre planète est déjà compté. L’ordre des choses a déjà programmé sa disparition. Notre terre finira engloutie par l’expansion de son étoile. Dans cinq milliards d’années, elle sera dévorée par son soleil. [5] Et qu’est-ce que 5 milliards d’années ? A l’échelle de l’éternité, c’est demain.
Avec la disparition des dinosaures, la Terre, a déjà connu 5 extinctions de masse, dont la plus destructrice (l’extinction du Permien il y a environ 250 millions d’années) aurait entraîné la disparition de 95 % du vivant.[6] Dans l’hypothèse d’une sixième extinction de masse provoquée par une catastrophe écologique, certains nous expliquent qu’à la différence de toutes les autres, celle-ci serait la première extinction à se produire par la faute de l’activité humaine. Et alors ? Une apocalypse d’origine naturelle serait-elle plus enviable qu’une apocalypse provoquée par l’humanité ? La sauvagerie de la nature serait-elle plus estimable que la sauvagerie des Hommes ? Et, en vérité, la sauvagerie des Hommes serait-elle autre chose que l'une des innombrables expressions de la sauvagerie de la nature ?
La nature semble avoir désespérément besoin de bâtisseurs et de démolisseurs. Les guerriers, les conquérants et autres calamités du genre humain, ne sont pas des erreurs de la nature. A observer les grands principes de la création, on peut le craindre en tous cas. À nos dépens, il n'existe probablement aucune erreur dans la nature, juste des nuisibles et des nuisances pour empêcher le système de tourner en rond et pour le faire avancer. Sans état d'âme et quoi qu'il en coûte. C'est terrifiant ! Les accidents et les sorties de route semblent faire tragiquement partie du système.
Pour essayer de comprendre le monde il faut d'abord cesser de détester les hommes. Car on se trompe de cible. On pose sur ses épaules un fardeau beaucoup trop lourd pour lui et qui, de toute façon, ne lui appartient pas. La colère ou la haine détourne notre attention. On cherche des coupables et, pendant ce temps, pendant qu'on s'entretue et qu'on se rejettent les fautes, on s'étonne et on ne comprend pas ce qui nous arrive.
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[1] Entendu dans l’émission « Mexique sauvage » diffusée sur France 5 le 28 décembre 2020 [2] Propos cités par Jean-Claude Carrière dans l'émission "Les racines du ciel" diffusée sur France Culture le 26 février 2016 et écoutée en podcast le 3 septembre 2021. [3] Documentaire regardé sur France 5 le 25 septembre 2020. Information également visible sur www.futura-sciences.com/planete/actualites/geochimie-terre-aurait-garde-son-eau-malgre-collision-theia-70767 [4] Souvenir personnel. [5] « Après que le Soleil a fêté ses 11 ou 12 milliards d’années, les scientifiques pensent que sa masse continuera à augmenter. Avec un volume multiplié par 166, il sera désormais devenu une géante rouge. Il avalera alors de façon inévitable les planètes de son système. » Voir sur https://www.maxisciences.com/soleil/voila-ce-qui-arrivera-a-la-terre-quand-le-soleil-se-mettra-a-mourir_art37661.html#:~:text=Apr%C3%A8s%20que%20le%20Soleil%20a,les%20plan%C3%A8tes%20de%20son%20syst%C3%A8me. [6] Entendu dans l'émission « Nos mondes disparus » diffusée sur France 5 le 23 septembre 2021. 1. Extinction de l'Ordovicien Quand : il y a environ 445 millions d'années. Taux de disparitions des espèces : 60 à 70 %. Cause probable : période glaciaire courte mais intense. 2. Extinction du Dévonien Quand ? : il y a environ 360 à 375 millions d'années. Taux de disparitions des espèces : jusqu'à 75 %. Cause probable : épuisement de l'oxygène dans les océans. 3. Extinction du Permien Quand ? : il y a environ 252 millions d'années. Taux de disparitions des espèces : 95 %. Causes probables : impacts d'astéroïdes, activité volcanique. 4. Extinction du Trias Quand ? : il y a environ 200 millions d'années. Taux de disparitions des espèces : 70 à 80 %. Causes probables : multiples, toujours en débat. 5. Extinction de Crétacé Quand ? : il y a environ 66 millions d'années. Taux de disparitions des espèces : 75 %. Cause probable : impact d'un astéroïde. A lire sur www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/terre-terre-cinq-plus-grandes-extinctions-massives-11426
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