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La bonne foi et le bon sens

  • Eric PIERRE
  • 15 juin 2022
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 4 juil. 2022


Tu n’auras point de certitude. Tout ce que tu crois peut être faux. Y compris – et par conséquent – ce premier commandement lui-même.



Je fais souvent l’éloge de la bonne foi et du bon sens mais, en vérité, la bonne foi et le bon sens seraient-il les révélateurs infaillibles de vérités incontestables ? Il faut toujours se méfier de celui qui, comme moi, prétend parler au nom de la bonne foi et du bon sens car s’exprimer au nom de la bonne foi et du bon sens semble condamner par avance, toute opinion contraire, ou simplement divergente.


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Avant de brandir sa bonne foi et de revendiquer son bon sens il faudra toujours commencer par se souvenir de deux choses :


  • La bonne foi ne préserve jamais de l’erreur

  • Le bon sens n’est jamais certain.


On peut se tromper en toute bonne foi et le bon sens ne garantit pas la justesse de nos croyances ou de nos postulats.


  • La bonne foi est une volonté. Un désir d’honnêteté et de transparence. Elle part d’un bon sentiment, mais les bons sentiments ne font pas la vérité.

  • Le bon sens est un idéal. Un objectif insaisissable. Une destination impossible qui se dérobe comme l’horizon. Il est comme le bon goût. On pressent qu’il existe mais bien malin celui qui saura le définir.


La bonne foi et le bon sens sont une lumière, mais on peut faire fausse route, même en plein jour.


Chacune de nos affirmations devrait toujours se terminer par la même conclusion : « Voici ce que je crois … jusqu’à preuve du contraire ». Lorsque c’est l'autre qui a raison, quelle aubaine ! Voilà l’occasion d'apprendre quelque chose qui se présente. « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j'apprends. » aurait dit Nelson Mandela.


Tel est donc le premier commandement de la bonne foi et de bon sens :


« Tu n’auras point de certitude. Tout ce que tu crois peut être faux. Y compris – et par conséquent – ce premier commandement lui-même. »


La bonne foi et le bon sens sont d’abord une tentative d'évasion. Une volonté d’échapper à soi-même, à son psychisme, à son histoire et à sa perception. « Nos opinions, nos croyances, notre culture, notre langue, notre biologie... il faut d'abord accepter de reconnaître tout ce qui nous possède pour commencer acquérir une certaine indépendance d'esprit » rappelait le sociologue et philosophe Edgar Morin.[1]


La bonne foi et le bon sens, c'est admettre que la vérité puisse se trouver dans l’autre camp. En toutes choses et sur tous les sujets. La bonne foi et le bon sens, c'est accepter d’entendre toutes les théories et toutes les hypothèses. Y compris celles qui nous semblent les plus improbables et les plus extravagantes.


« Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou » disait Nietzsche.[2] Ces certitudes pour lesquelles on meurt et pour lesquelles on tue.


« Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison » se lamentait Albert Camus.[3]


Nul n’est à l’abri de l’argument décisif qui viendra renverser la donne. Quelles que soient les conséquences. Agréables ou désagréables. La vérité ne vit pas de ses charmes. Elle ne cherche pas à plaire et elle ne dépend pas de nos intérêts. Un esprit doit tenir debout malgré tout ce qu'il ignore et non grâce à ce qu'il sait. Ce ne sont pas nos opinions qui sont précieuses mais notre capacité à en changer.



Les enzymes du savoir


La bonne foi et le bon sens ne font pas la vérité, mais ils sont un moyen de se tenir prêt à l’accueillir chaque fois que quelque chose qui y ressemble se présente. Ils sont cette chance supplémentaire que l’on se donne de pouvoir comprendre le monde et de pouvoir nous comprendre nous-mêmes. A l’inverse, comme un hamster dans sa roue, dénué de bonne foi et de bon sens, on s’instruit en rond. On accumule des savoirs qui ne nous apprennent rien. On se remplit d’un carburant sans étincelle.


Dénuée de bonne foi et de bon sens, enfermée dans la camisole des certitudes, des principes et des préjugés, la mémoire se transforme en une bibliothèque ornementale. Un amas de connaissances pour faire joli.


La bonne foi et le bon sens sont les enzymes du savoir. Le seul moyen d’en extraire les valeurs nutritives. Renoncer à cette passion triste d'avoir raison, transformer nos erreurs en motifs de réjouissance c’est, soudain, devenir plus solides, devenir plus forts. Car on ne peut briser les illusions qui n’existent pas. Ce qui n’existe pas est indestructible.



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[1] Entendu dans l'émission « A voix nue » diffusée sur France Culture le 8 novembre 2021 [2] Citation faite par Adèle Van Reeth dans son émission « Les chemins de la philosophie » diffusée le 9 septembre 2019 [3] Propos rapporté par Jean Birnbaum, journaliste français invité par Frédéric Taddeï dans son émission « C’est arrivé cette semaine » diffusée le 13 mars 2021 sur Europe 1, à l’occasion de la sortie de son livre « Le courage de la Nuance »

 
 
 

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