Ce besoin absurde d'avoir raison
- Eric PIERRE
- 16 juin 2022
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 juin 2022
« Celui qui ne partage pas mon avis n’est pas nécessairement un salaud ou un imbécile. » André Comte-Sponville.
Le besoin d'avoir raison nous égare. On se recroqueville, on se replie sur soi et soudain, devenu hermétique au monde, la réalité ne peut plus nous atteindre. Il faut savoir s'amuser de ses erreurs avec insouciance et désinvolture. La pensée doit être joyeuse et sautillante. Elle doit rebondir et se réjouir à chaque nouvelle erreur découverte. Quel bonheur que de se libérer de ce besoin insensé d'avoir raison ! On se sent tellement plus léger et tellement plus fort !

Comme un dresseur de fauves, avec son costume rouge et ses boutons dorés, ce besoin d'avoir raison qui nous gouverne, n'est qu'un tyran de pacotille. Notre esprit est tellement plus puissant que lui ! Le jour où il le comprend, c’est la fin du spectacle. Le fauve se rebelle. Il cesse d’obtempérer. Il se lève, il montre les dents et il quitte ce tabouret ridicule sur lequel on lui ordonnait de s’asseoir. Il va pouvoir bondir hors de sa cage. Bien loin du sinistre enclos des certitudes où il tournait en rond. Libéré du besoin d'avoir raison, l'esprit rugissant va enfin pouvoir donner toute sa mesure. Il va cesser de se conduire en chaton effrayé qui tremble au premier claquement de chambrière. Il va faire face. Il va affronter le vaste monde de ses doutes et de ses égarements.
Avec son instinct et son acuité de chasseur, il va pouvoir traquer chacune de ses insuffisances, chacune de ses erreurs. Sans répit, sans pitié et sans complaisance. Libéré de ce besoin absurde d’avoir raison, du haut de toute son imperfection, couronné de toutes ses faiblesses, assumant sa condition, l’esprit libre sera devenu digne. Il n’aura plus besoin de faire semblant.
Alors, ne nous y trompons pas. Résister à la tentation d'avoir raison n'est pas un acte d'humilité. C'est tout le contraire. Il y a beaucoup d'orgueil et de vanité à refuser de se laisser tromper par soi-même. Il y a beaucoup d'orgueil et de vanité à vouloir réussir là où tant d'autres échouent. Quelle plus grande force que de pouvoir dire à son interlocuteur : « C'est vrai, tu as raison je m'étais trompé. C'est formidable ! Je suis encore plus solide qu'hier. Grâce à toi je viens d'apprendre ou de comprendre quelque chose. » ?
« Dans l'entreprise il existe deux sortes de gens, ceux qui veulent avoir raison et ceux qui veulent réussir » expliquait avec sagesse et pragmatisme, le grand gourou des startups et de l'entrepreneuriat, Oussama Ammar.[1] Dans la vie c'est la même chose. Il existe deux sortes de gens. Ceux qui veulent avoir raison et ceux qui veulent avancer.
« C'est un phénomène naturel que de croire que les autres sont plus idiots que nous. Mais, c'est en changeant de paradigme et, c'est en considérant que les autres sont, potentiellement, plus intelligents que nous, que nous augmentons nos chances de devenir plus intelligent nous-mêmes » ajoutait Oussama Ammar.
Plutôt que de mettre un point d'honneur à ne pas changer d'avis, sentons-nous heureux et fiers - si on tient à se sentir fier - chaque fois que nous trouvons la force de faire vaciller nos convictions sans vaciller nous-mêmes. Ce sont nos convictions qui doivent dépendre de nous et de notre capacité à les défendre. Pas l’inverse. Quelle plus grande fragilité que de dépendre de ses convictions ?
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[1] Oussama Ammar est un entrepreneur et business angel né le 25 septembre 1986 à Beyrouth (Liban). En 2013, il fonde l'incubateur d’entreprise TheFamily avec Alice Zagury et Nicolas Colin.
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